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Profiter des tendances de consommation accélérées par la crise

La pandémie de Covid-19 a incité les Français à investir davantage dans leur logement, au bénéfice du marché du jardin. De nombreux télétravailleurs ont quitté les villes, en recherche d’un cadre plus vert. Ces consommateurs sont à mieux connaître, afin de tirer pleinement parti de leur potentiel et de leurs attentes.

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Le rendez-vous angevin Vegetal Connect (lire la rubrique L’Événement, page 6, du Lien horticole n° 1109 d’octobre), imaginé par Destination Angers pour faire patienter la filière en at­tendant le prochain Salon du végétal « en présentiel » annoncé l’an prochain, a été l’occasion d’organiser plusieurs conférences dont l’une abordait les tendances de la consommation. Pascale Hébel, directrice du pôle consommation et entreprises du Crédoc*, et Manuel Rucar, tendanceur et créateur de ChloroSphère, en étaient les intervenants.

Le métier de la première lui permet de disséquer ce qui s’est passé pendant la crise sanitaire. « C’est une épreuve de rupture, qui a amené des changements de comportement. Certains ont mis en action des choses pour lesquelles ils avaient des attentes », estime-t-elle.

Parmi les changements de mode de vie qui se sont opérés, le plus notable est la montée en puissance du numérique et du télétravail. « Désormais, 18 % des actifs travaillent à distance au moins un jour par semaine. C’était 4 % avant », précise Pas­cale Hébel. Second élément marquant de la période, le bond du e-commerce : 70 % des gens achètent désormais volontiers via le Web. La crise a aussi généré des mouvements, le nombre de personnes souhaitant déménager est en hausse…

Les petites villes sont plébiscitées

Le premier confinement de mars 2020 a généré une frustration vis-à-vis du vert. La première conséquence est que les citoyens sont davantage enclins à se rendre dans la nature. Les magasins disposant d’un rayon consacré à la randonnée ont vu leur fréquentation exploser. Mais la crise a aussi généré une limitation des relations aux autres, qui a mené au « cocooning ». Les gens ont investi leur intérieur, mais aussi leur jardin.

Reste à savoir si ce phénomène va perdurer. Pour Pascale Hébel, c’est oui. Beaucoup ont mis en adéquation leurs actes avec leurs envies. Quand on les interroge sur ce qui les préoccupe, l’environnement arrive en tête, surtout chez les jeunes. Le consommateur recherche un produit de saison produit localement. Il a compris que ce qui vient de loin a un impact réel sur la planète. « Les régimes alimentaires n’ont jamais autant bougé. Dans les années 2000, ce qui comptait avant tout, c’était le goût. Maintenant c’est le bio », reprend-elle.

L’intervenante a récapitulé dans sa conclusion des événements marquants liés à l’évolution des habitudes : le commerce en ligne devient incontournable, un bond a été fait dans les petites entreprises ; les territoires vont bouger, les villes moyennes, à l’image d’Angers (49), vont être recherchées ; la sensibilité à l’écologie est en hausse ; la position de l’homme par rapport à la na­ture est remise en cause ; la solidarité, les circuits courts, la demande de juste rétribution sont plébiscités. Elle avertit aussi de la tension sur les prix constatée partout, alors que le chômage est bas. La France­ est un pays où la part de la richesse consacrée au logement est parmi les plus élevées – autour de 33 %, voire 50 % pour les plus jeunes –, un état de fait profitant largement au hard discount.

Dans les points de vente, offrir de l’authenticité aux néoruraux

Manuel Rucar a poursuivi en recentrant plus précisément ces constats à la filière du végétal. « Il est difficile de mesurer l’exode urbain, mais il existe des indi­cateurs. Les Lisa** en zone rurale voient leur chiffre d’affaires croître. Les gens qui achètent un logement loin de la ville le personnalisent, à l’intérieur mais aussi à l’extérieur, dans le jardin. Il s’agit d’une vraie installation, dans le long terme, pas pour revendre dans cinq ou dix ans. »

Ces familles qui ont choisi de vivre à la campagne, souvent grâce au télétravail, disposent assez fréquemment d’un pouvoir d’achat plus élevé que la moyenne. Elles sont à la recherche d’authenticité, de campagne, de nature, et font souvent le choix d’acquérir un bien avec un grand jardin, plus grand que la moyenne. Elles planifient son aménagement sur plusieurs années si besoin, puisqu’elles sont là pour longtemps.

Pour tirer profit de ces nouveaux venus, qui ont permis, selon Manuel Rucar, de gonfler le chiffre d’affaires du marché du jardin de 20 % en deux ans, « les points de vente en zone rurale ne doivent pas bitumer leurs allées pour ressembler à des jardineries. Au contraire, elles doivent accentuer leur côté campagnard, pourquoi pas en mettant les fruitiers en jauge, par exemple. Toutefois, dans les rayons vêtements, les cottes et les bottes ne sont plus tendance ! » Les jardineries périurbaines vont de leur côté « devoir se trouver de nouveaux axes de développement, peut-être plus orientés vers la déco ou les animaux ». La recherche d’authenticité, de campagne, de rural, a pour Manuel Rucar pris le pas sur le design et les produits très urbains. Le tendanceur explique qu’il faut aussi mieux appréhender ce nouveau consommateur, qui va s’informer sur les réseaux sociaux, grâce à des « tutos », dès qu’il souhaite­ se lancer dans des travaux qu’il n’a jamais réalisés auparavant. Les points de vente et commerces horticoles ne doivent pas forcément­ tout réinventer dans ce do­maine. Ils peuvent utilement utiliser tout ce qui existe déjà.

Surfer sur la tendance du faire soi-même

Les jeunes générations se lançant au jardin n’ont pas forcément peur de l’échec. Elles ne culpabilisent pas d’office pour un semis ou une plantation ratés­, filment leurs échecs puis les mettent en ligne, en en faisant presque un jeu. Cette année, les plantations de tomates ont souvent avorté, en raison des pluies abondantes dans de nombreuses régions, et des maladies favorisées par les intempéries. Qu’à cela ne tienne, les amateurs replanteront l’an prochain, quitte à se tourner vers des légumes moins fra­giles, tels que courgettes ou aubergines.

Reste que, pour profiter de ce marché, il faut être sûr qu’il ne s’agira pas d’un feu de paille. Pour Manuel Rucar, la tendance du faire soi-même, de cuisiner, s’est développée car les gens ont eu davantage de temps au moment des confinements. Et ce mode de vie va s’inscrire dans le temps. La société est en transition. Les « alter consommateurs » s’engagent plus. S’isoler à la campagne devient le premier moyen de répondre à ce besoin « militant ».

La vente directe, celles entre particuliers ou à domicile – de type « réunion Tupperware » – marchent très fort en ce moment. À condition qu’une grande surface ne propose pas moins cher juste à côté... « Mais en général, les producteurs en circuit court sont moins chers que les distributeurs », estime Manuel Rucar.

Selon lui, le végétal est en perte de vitesse sur les réseaux sociaux. Il atteint en effet ses limites sur Instagram, TikTok est davantage orienté vers les vidéos à conno­tation humoristique… Mais avec la pandémie, il a gagné en notoriété chez des consommateurs plus jeunes : pourvu que ça dure !

Pascal Fayolle

*Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie.

**Libre-service agricole.

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